Intervention de Jean-Stéphane DEVISSE – « Réduction des émissions de GES dans les secteurs de l’habitat, du tertiaire et des transports »

15 Fév

Jean-Stéphane DEVISSE

Les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique, cause du phénomène de réchauffement climatique, sont en train d’exploser ; malgré une relative baisse liée à la crise économique de 2011, et une tendance générale, jusqu’en 2004, à l’amélioration de l’intensité énergétique de la croissance mondiale – c’est-à-dire notre capacité à produire des biens et des services en consommant moins d’énergie, nous nous situons à nouveau sur le pire scénario envisagé par les experts du GIEC.

Comment inverser cette tendance ? Jean-Stéphane Devisse, directeur des programmes de conservation au WWF France, constate tout d’abord que l’ensemble des travaux de modélisation et de prospective s’accordent sur un point : il est possible, sans se baser sur des technologies futuristes ni recourir à des mesures socialement inacceptables, de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre en Europe à l’horizon 2050, condition nécessaire pour contenir l’augmentation moyenne des températures mondiales sous la barre des 2°C. Par exemple, le scénario Negawatt, conçu et récemment mis à jour par un groupe d’experts de l’énergie, propose pour la France une transition énergétique réaliste, basée sur le triptyque : sobriété, efficacité et énergies renouvelables. D’une manière générale, il faudra, pour atteindre un facteur 4 ou 5 dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, recourir à toute une palette d’actions, de mesures et de mécanismes complémentaires, parmi lesquels : un effort d’investissement de la part des acteurs économiques (modification des technologies et des procédés de production), des moyens d’information à la consommation (certificats, étiquettes énergie, labels,…), des mesures d’encouragement à la diminution des émissions industrielles (comme les échanges sur les marchés carbone), des mécanismes internationaux tels que ceux négociés par le protocole de Kyoto – à prolonger après 2012 -, complétés par des directives européennes et des obligations nationales. Il faut noter que de telles mesures ne sont absolument pas antinomiques avec une amélioration de la situation économique, puisque l’on estime qu’une telle transition en France pourrait créer plus de 500 000 emplois.

Plus spécifiquement, Jean-Stéphane Devisse s’intéresse aux manières de faire diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs du bâtiment et du transport, qui sont, parmi les six secteurs les plus fortement émetteurs en France, les seuls à diverger, avec une hausse de 14% et 20% de leurs émissions respectives entre 1990 et 2006. Dans le bâtiment, il s’agit tout d’abord d’améliorer les performances énergétiques de l’existant, pour passer de 200 kWh/m2/an en moyenne, aux normes actuelles de 50 kWh/m2/an. Avec un coût de l’ordre de 10% à 15% du prix de la maison, et un retour sur investissement de 15 à 20 ans sur les économies d’énergie, pourquoi ne pas rendre ces travaux obligatoires lors de toute cession, ce qui concernerait 450 000 opérations chaque année ? L’installation de nouvelles chaudières et l’usage généralisé de chauffe-eau solaires peut également contribuer à la diminution des gaz à effet de serre des bâtiments. Dans le neuf, les solutions techniques relatives à l’isolation, à la ventilation et aux chaudières doivent être complétées d’un accompagnement des usagers, afin d’atteindre un facteur 7 voire 10 dans l’amélioration des performances, avec un renchérissement très modeste, de l’ordre de 3% du coût total de l’édifice. Avec ces mesures favorables au climat, tout le monde y gagne : les ménages en termes de qualité de vie et d’économies d’énergie, et la collectivité en termes d’emplois et de moindre dépendance énergétique.

Concernant les transports, que ce soit des marchandises ou des personnes, on constate une prédominance du routier, qui, malgré ses impacts forts sur l’environnement, continue de croître à la fois en volume et en parts du trafic : flexible, fiable et rapide, ce mode de transport reste économiquement attractif tant que les prix du pétrole ne flambent pas, à tel point que le Livre Blanc 2010 de l’Union Européenne ne se fixe pas d’autres objectifs que de maîtriser cette croissance en maintenant les autres parts modales. Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, il s’agit encore une fois de déployer un bouquet de solutions : améliorer les technologies des véhicules (rendement des moteurs, poids, type de carburants,…), procéder à des investissements sur les modes de transport alternatifs à la route, mettre en œuvre des incitations tarifaires et des réglementations (vitesse, émissions,…), optimiser la logistique des marchandises et densifier les zones urbaines, sensibiliser les usagers pour développer les transports doux, l’éco-conduite et le co-voiturage.

Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, Jean-Stéphane Devisse considère finalement que ces différentes solutions ne pourront être mises en œuvre de manière efficace et acceptable, que si l’on intègre les sciences « molles » – humaines sociales – aux modèles prospectifs, et que l’on laisse une marge de manœuvre suffisante aux territoires pour les implémenter au plus près des réalités du terrain.

Frédérique Rigal

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